La Circassienne: Origine géographique et ethnique d'une robe
Voici la première partie de mon article de recherche sur l'étymologie de l'appellation Circassienne. Avant toutes choses je vous renverrai souvent sur le blog de Cassidy qui a compilé de nombreuses planches de gravures avec leurs explications: ici .
a) Les détails de la robe
De l’origine de la robe « à la circassienne ».
A l’origine de ce mot, un grand vide. D’abord dans les
dictionnaires de langue française le terme n’existe que sous une acception, il
désigne une étoffe de laine croisée. Ne voyant rien de tel dans les illustrations
de robe à la Circassienne et ne voyant pas non plus le rapport avec la région
de Circassie pour ce qui était pour moi un croisement entre une robe à la
turque et une polonaise, je me suis jetée dans une recherche étymologique pour
comprendre l’essence de cette appellation.
Pour cela je n’ai utilisé que des sources françaises et
libres de droit disponibles sur Gallica, gallica.bnf.fr le site de recherche
proposé par La Bibliothèque Nationale de France.
Donc d’abord pas de terme existant dans les dictionnaires
d’Ancien Français, de Moyen-Français ou de Français Classique. Juste ce nom
d’étoffe croisé dans le littré sans date. Et la terrible mention
« idiote » de Wikipédia qui explique que la robe s’appelle ainsi par
« métonymie » avec l’étoffe de laine. Mais non ! Pas de
laine !
Il faut aller consulter le Dictionnaire critique de la
langue française de Jean-François Féraud de 1787/1788 pour trouver mention d’un
terme approchant : « Circassien : adj. Et subst. Un des auteurs
des Let. Edif. Dit toujours Circasse, les Circasses, les Tartâres Circasses,
c’est contre l’usage. » Ainsi j’apprend d’abord qu’on se chamaille sur le
terme, donc qu’il est d’usage récent et non-encore fixé par l’académie et que
l’allusion aux Tartares me place bien sur un plan géographique ou
démographique.
1) A l’origine une région
Dés 1749 on trouve trace de la province de Circassie comme
appartenant au royaume Tartare.
Il convient donc d’apprendre à une jeune fille
les notions élémentaires de géographie dans laquelle la Circassie à sa place
parmi les provinces de la Tartarie.
Les études
convenables aux demoiselles, contenant la grammaire, la poésie, la
rhétorique.... Tome 1
Auteur : Panckoucke,
André-Joseph (1703-1753)
Éditeur : A.-J.
Panckoucke (Lille)
Date d'édition : 1749
Type : monographie
imprimée
Langue : Français
Format : 2 vol. (XXXVI-479, 534 p.) ; in-12
Droits : domaine
public
Source : Bibliothèque
nationale de France, département Littérature et art, Z-11110
Or on trouve une bonne localisation sur la carte suivante :
Carte des environs de
la Mer Noire où se trouvent l'Ukrayne, la Petite Tartarie, la Circassie, la
Géorgie et les confins de la Russie européenne et de la Turquie, dédiée et
présentée à Monseigneur le duc de Choiseul, ... / par Robert de Vaugondy
Auteur : Robert de
Vaugondy, Didier (1723-1786). Cartographe Ne voir que les résultats de cet
auteur
Éditeur : l'auteur
(Paris)
Date d'édition : 1769
Et un peu plus tard
de nombreuses expédition traversent et étudient cette région ; par exemple
: Jean-Baptiste Bourguignon d'Anville (1697-1782) lit à l’Académie Royale des
sciences en mai 1777 son Mémoire sur la mer Caspienne dans lequel il
place la ville principale de la Circassi, Terki à 43 degrés 23 minutes à
quelques minutes de plus que la position reconnue précédemment.
En 1775 un ouvrage
exceptionnel de précision décrit les différents peuples de cette région : Dictionnaire
raisonné universel d'histoire naturelle. Tome 4 / ; contenant l'histoire des
animaux, des végétaux et des minéraux, et celle des corps célestes, des
météores & des autres principaux phénomènes de la nature ; avec l'histoire
et la description des drogues simples tirées des trois règnes ; et le détail de
leurs usages dans la médecine, dans l'économie domestique & champêtre &
dans les arts & métiers : plus une table concordante des noms latins, &
le renvoi aux objets mentionnés dans cet ouvrage. Par Jacques-Christophe
Valmont de Bomare (1731- 1807).
Source : Bibliothèque
nationale de France, département Sciences et techniques, S-11228
Dans cet ouvrage on
découvre enfin que ce peuple s’est trouvé associé, par sa langue et sa culture
au peuple turc. On trouve donc une première preuve du caractère
« oriental » de l’appellation « circassien ».
De plus on remarque que le peuple circassien se sent dés
cette époque très reculée (ici l’auteur traite d’une période aux origines du
peuple caucasien) proche du peuple turc dont il accepte plus ou moins la
suzeraineté. Or dans un ensemble de sources plus douteuses telles que Les
Russes en Circassie d’A. Méker (1760-1864) (uniquement disponible sur
Google livres) ; on trouve mention de diverses frictions entre 1767 et
1789 entre les peuples russe-tur-caucasiens.
Dés 1774 il est avéré que les Turcs cèdent le Caucase à la Russie après
une suite de défaites et jusqu’en 1789 s’en suit une période où différents
peuples du Caucase, dont les circassiens se seraient alliés à la Turquie pour
tenter de repousser les Russes.
Ainsi on peut émettre deux premières hypothèses sur
l’émergence de ce type de vêtements, les nombreuses expéditions ou voyages à
buts géographiques qui rapportent des « relations de voyage » avec
certainement des descriptions fabuleuses (on se rappellera de celles de Marco
Polo qui imprégnèrent l’imaginaire occidental) ; et des troubles géopolitiques qui agitent
cette partie de l’Eurasie dans la période concernée.
2) L’orientalisme du terme
En parcourant l’excellent blog de Cassidy que j’ai déjà
mentionné j’y ai trouvé un autre point de départ de cette recherche (confirmée
par ce qui a été dit précédemment) ; elle y reprenait une citation
d’Aileen Ribeiro dans son livre Fashion in the French Revolution (p. 28)
qui assimilait la robe à la Circassienne à acception « Orientaliste »
du terme. Or cela ne serait guère surprenant vu l’émergence des robes à la
turque de la même époque.
L’explication de cette gravure d’époque nous reprend du
vocabulaire lié à l’Orient, la Circassienne est un habit adopté par les femmes
du sérail.
Elle est composée « d’une soubreveste à manche longues
et étroites », d’une ceinture qui se cache sous un manteau de robe et on
apprend même qu’à l’origine, pour copier son modèle orientale, la jupe était en
fait un caleçon long qui était serré au-dessus des chevilles. Cette dernière
caractéristique a été perdue lorsqu’elle s’est « francisée ».
On y retrouve aussi l’usage de « glands » qui peut
rappeler par certains aspects les costumes traditionnels caucasiens et la
présence de fourrure sur les bords des manches de dessus.
Pour une idée des costumes traditionnels circassiens, voir
ici, par exemple :
a) Les détails de la robe
Mais tout de même rien de nettement « oriental »
pour un œil averti et de grandes similitudes avec des robes à la Polonaise, la
Circassienne est-elle donc vraiment liée à l’Orient. Par la suite nous irons voir du côté de la littérature pour trouver davantage de réponses.
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